De l'autre côté, le campamento Italiano. Nous passons au-dessus du torrent rugissant, ça balance pas mal, et prenons pied sur l'autre rive... Eh bien on peut dire que les campings chiliens n'ont rien à voir avec les campings des parcs américains!
Quelques tentes sous des arbres hauts et déplumés, du genre peupliers, une terre sableuse et grisâtre, des racines et du bois pourrissant absolument partout, et surtout pas les moindres cahute, table ou banc, rien. Rien de prévu pour les campeurs installés dans ces solitudes glacées. Aucun emplacement pour faire du feu. Alors qu'il y a du bois absolument partout, ceux qui gèrent les campings n'ont pas eu l'idée de fabriquer ne serait-ce que des bancs pour manger un morceau en dehors des tentes.
Une cabane couverte de tôle et son panneau « privado », entrée interdite – pour le garde que nous avons croisé, certainement –, sur l'arrière un petit enclos grillagé et un capharnaüm à l'intérieur...
Nous faisons le tour de ce si sympathique camping – gratuit, mais ceci n'explique pas cela puisque des jeunes avec qui nous échangeons quelques mots nous disent que le précédent, Los Cuernos, payant, à côté du refuge du même nom, n'est pas mieux – en enjambant une flopée de troncs, trouvons un abri fait de trois murs de planches dans lequel il fait carrément nuit et devinons deux silhouettes dans la pénombre. L'une se fait cuire quelque chose sur son réchaud; l'autre, le dos au mur, a l'air morose et dubitative, mais surtout transie. Une seconde cabane minuscule pour w-c, et c'est tout.
Nous nous asseyons sur un tronc de dix centimètres de diamètre posé sur deux petits piquets et trouvons vraiment lamentable une si piètre installation. Dans ces conditions, nous ne déballons ni pain ni poulet rôti pour moi (celui acheté à Puerto Natales pour 3 000 pesos et qui est inusable) et avalons vite fait une banane et un délicieux cookie acheté hier en fin d'après-midi au refuge.
Au moment de repartir et d'emprunter à nouveau le pont, Alain est bousculé deux fois dans les filins par le vent qui dévale le couloir du torrent à Mach 2...
La Vallée française tout entière se cache dans les nuages, aussi nous prenons la même décision que les randonneurs croisés à l'aller, nous redescendons.
Parfois, un sommet apparaît – comme une image dans un bac de révélateur –, puis disparaît... Serait-ce... les Cuernos? Mais oui!