Un très vieil arrayán (Luma apiculata)?
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De Caleta Tortel
à Puerto Tranquilo
Puerto Aysén
Retour sur l'Argentine
J 26 - Vendredi 17
 

Nuit blanche ou quasi. A 4 heures je ne dormais toujours pas, tournant et retournant dans ce mauvais lit. Le matelas devait avoir l'âge des propriétaires qui, eux, étaient à la retraite. En plus le sommier était trop court, j'avais les doigts de pied recroquevillés dans le fond. Les couvertures m'arrivaient sous les bras, mais dès que je tirais dessus pour les remonter, mes orteils se pliaient en huit. On avait vingt kilos sur le dos – trois grosses couvertures plus une couette –, et moi qui n'aime pas ça... Mais le froid dans la chambre était vif. Bref, si on ajoute l'odeur entêtante de moisi et de renfermé, le cocktail était prêt pour une nuit totalement blanche.
Un chien s'est égosillé toute la nuit et a fini par réveiller le coq juste au-dessous de nos  fenêtres, à  4 heures tapantes, qui lui-même a réveillé ses potes du voisinage! C'était complet!!
 
A 8 heures, j'ouvre un œil... Je prends une douche dans la salle de bains glaciale, puis nous descendons pour le petit déjeuner qu'au moins nous espérons bon. Eh bien c'est complètement raté! La salle à manger est encore plus triste que le reste, si c'est possible, sans fenêtre, avec toujours la collection de vieilleries. Un homme seul, l’air absent, est en train de boire son café dans un coin. C'est sinistre... Trois petits pains infects, un peu de beurre, jambon et fromage mais pas de confiture ni de lait. Moi j'ai toujours du mal à démarrer la journée avec des sandwichs... et la confiture (que je ne mange qu'en voyage) me manque. Nous expédions notre thé en moins de deux et nous précipitons à la voiture.
 
La situation risquant de se reproduire à Puerto Ingeniero Ibáñez où il n'y a rien, nous décidons de rester à Coihaique et d'aller à l'hôtel Español, hors de prix (plus de 60 euros), mais où il y a chauffage, bon lit, WiFi et le reste. Si les residenciales étaient à 10 euros, pas de problème, mais à 33, ça ne passe pas.
 
Nous retenons la chambre, montons nos bagages et repartons pour Puerto Aysén.
Plus on se rapproche de Coihaique (45 000 habitants), plus la circulation augmente, et pour nous qui n'avons croisé depuis plus de trois semaines que quelques rares voitures, c'est l'overdose.
Nous faisons confiance au Lonely Planet et prenons une chambre à la Residencial Monica. L'accueil est aimable, la maison pleine de coins et de recoins pas vraiment enthousiasmants, et la chambre sent le renfermé à tomber. Nous nous empressons d'ouvrir les fenêtres même si le fond de l'air est plus que frais. Toujours pas de serviette dans la salle de bains, ni de savon bien sûr. Je me demande pourquoi est toujours accroché dans la douche des residenciales le même antique porte-savons pour famille nombreuse, d'au moins trente centimètres de haut et rouillé de la tête aux pieds.
La chambre est triste à souhait, bleu foncé et marron, avec tout un tas de vieilleries, une ampoule de 10 watts au plafond et une de 5 à la lampe de chevet. Alain prend un morceau de Sopalin, grimpe sur le lit et enlève les fils d'araignée qui pendent ici et là. D'ailleurs, ça sent son araignée à plein nez, ici...
En attendant, je vais chercher des serviettes que s'empresse de me fournir le propriétaire, très aimable lui aussi. Je remonte avec deux grandes serviettes blanches, trouées et déchirées, mais elles feront l'affaire.
Un tour au supermercado Unimarc, où je retrouve enfin mes pralines aux amandes (appelées
Garrapiñadas almendras dans le sud du Chili et Almendras confitas ici, ce qui explique que personne ne connaisse depuis un moment le mot Garrapiñadas).
Nos repas du soir ne sont pas variés (quant à ceux du midi ils sont inexistants): avocats, tomates, maïs, cœurs de palmier, thon, olives noires, citron, mayonnaise Lesieur rapportée de Paris. Je commence à sérieusement saturer...
Le paysage a changé du tout au tout, il est maintenant volcanique. Ce qui ne change pas, c'est la pluie, une petite pluie fine qui arrive à échapper aux rares coins de ciel bleu.
Les réservations se font à la Residencial Marcial, qui rouvre à 15 heures. En attendant, nous allons prendre un excellent chocolat dans un café tenu par un grand Brésilien très aimable, qui est ravi de voir des Français, à côté du syndicat d'initiative, au bord du lac. Très bon moment, dans une atmosphère calme – nous sommes les seuls clients –, sur un fond de samba. Il y a même la WiFi et nous en profitons.
 
De retour chez Marcial, nous apprenons, tuile des tuiles, qu'il n'y a aucune place disponible pour la voiture avant le 23 décembre, jour de notre arrivée prévue à Ushuaia à 1800 kilomètres d'ici! Nous voilà coincés au Chili! Nous demandons à l'homme qui fait les réservations si la piste d'une bonne centaine de kilomètres qui passe par la montagne, marquée sur la carte d'un seul trait vert (c'est-à-dire moins bonne que la Carretera Austral, verte doublée de blanc) avec à son sommet un passage en jaune, donc franchement pas bon, est faisable avec une Corsa. Il ne veut pas s'engager et nous répond d'aller demander l'avis des carabineros.
Dans la petite cahute, un homme et une femme. Ils nous regardent entrer d'un œil morne. Nous leur posons la question, ils commencent par rire, puis font la grimace et nous déconseillent fortement de passer le col avec une petite voiture, un 4 x 4 d'après eux étant indispensable. Ils ont une solution: faire tout le tour du lac General Carrera, ce que nous venons justement de faire depuis plusieurs jours... Le moral est en berne.
Pourtant lorsqu'ils apprennent par où nous sommes passés et que nous avons derrière nous 1500 kilomètres de ripio, dont une grande partie mauvaise, voire très mauvaise, ils changent d'avis et pensent que, oui..., après tout..., c'est jouable.
Quant à l'idée d'Alain, passer par les pistes du nord à partir de Coihaique, ce serait des centaines de kilomètres supplémentaires et nous l'abandonnons définitivement.
Nous décidons de tenter la montagne samedi et en attendant filons sur Coihaique, à 116 kilomètres de là.
Le village de 3 000 habitants a été rayé de la carte en 1991 suite à l'éruption du volcan Hudson, mais s'est reconstruit depuis.
Certains tronçons sont curieusement couverts par endroits de pavés autobloquants.
Le bitume commence quelques kilomètres après Cerro Castillo, et c'est un véritable soulagement!! Nous en profitons pour faire un détour et prendre la route de Puerto Ingeniero Ibáñez, à une soixantaine de kilomètres de la jonction avec la Carretara Austral, afin de réserver notre passage en Argentine par bateau pour le 18.
Nous approchons de Cerro Castillo, normalement dominé par les montagnes déchiquetées du même nom. Mais aujourd’hui nous ne verrons qu’une poignée de maisons regroupées le long de la piste, et malheureusement rien des merveilles de la région.
On retrouve aussi les arbres immenses de la piste de Tortel, des descendants de la forêt primaire et d'autres aux moignons noircis qui pointent au milieu de l'herbe vert tendre. Un petit air de végétation tropicale alors qu'à quelques jours de l'été il ne fait que 10 °C, et que la neige est là, tout près.
Les nuages sont bas, de plus en plus bas, et la luminosité crépusculaire.
... tandis qu’un très bel arbuste aux petites fleurs orange vif, un berberis ou épine-vinette (Berberis darwinii), a fait son apparition.
... et à gauche...
Les bambous aux longues chevelures dorées sont de retour, à droite de la « route »...
Mais cela ne nous empêche pas d'admirer les lupins qui du jaune sont passés au bleu profond. De grands lupins magnifiques, qu'encore une fois on croirait semés, mêlés par endroits de rose et de blanc, qui tapissent les bas-côtés ou envahissent des prairies entières et les berges des ríos.
De Puerto Tranquilo à Coihaique
J 25 - Jeudi 16 décembre (suite)
 

Il pleut, donc. Au revoir ciel bleu et soleil, montagnes étincelantes et eaux bleu pétrole. Un voile blanc recouvre l'horizon proche, on ne sait où sont les sommets ni même s'il y en a. La Carretera Austral est mauvaise et glissante à souhait, une vraie planche savonnée, et ça ne fait qu'empirer au fil des kilomètres. Il est impossible d'éviter les innombrables trous, de plus en plus gros, de plus en plus profonds, la pluie qui redouble transforme certains passages en vrai bourbier. Quelquefois, on se croirait sur les pistes de bentonite de l'Ouest américain lorsqu'elles sont détrempées.
Je conduis lentement, et ne dépasse pas les 40 km/h.
          Patagonie australe
El fin del mundo ou le Pays du vent